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. Je l espère, répondit Caderousse, les jours enflammées parla rougeur de l espérance et de la cupidité. Je vous écoute, dit l abbé. Attendez, reprit Caderousse, on pourrait nous interrompreà l endroit le plus intéressant, et ce serait désagréable ; d ailleurs,il est inutile que personne sache que vous êtes venu ici.»Et il alla à la porte de son auberge et ferma la porte, àlaquelle, par surcroît de précaution, il mit la barre de nuit.Pendant ce temps, l abbé avait choisi sa place pour écoutertout à son aise ; il s étais assis dans un angle, de manière àdemeurer dans l ombre, tandis que la lumière tomberait en pleinsur le visage de son interlocuteur.Quant à lui, la tête inclinée, lesmains jointes ou plutôt crispées, il s apprêtait à écouter de toutesses oreilles.Caderousse approcha un escabeau et s assit en face de lui. 423 « Souviens-toi que je ne te pousse à rien ! dit la voixtremblotante de la Carconte, comme si, à travers le plancher, elleeût pu voir la scène qui se préparait. C est bien, c est bien, dit Caderousse, n en parlons plus ; jeprends tout sur moi.»Et il commença. 424 XXVIILe récit.« Avant tout, dit Caderousse, je dois, monsieur, vous prier deme promettre une chose. Laquelle ? demanda l abbé. C est que jamais, si vous faites un usage quelconque desdétails que je vais vous donner, on ne saura que ces détailsviennent de moi, car ceux dont je vais vous parler sont riches etpuissants, et, s ils me touchaient seulement du bout du doigt, ilsme briseraient comme verre. Soyez tranquille, mon ami, dit l abbé, je suis prêtre, et lesconfessions meurent dans mon sein ; rappelez-vous que nousn avons d autre but que d accomplir dignement les dernièresvolontés de notre ami ; parlez donc sans ménagement commesans haine ; dites la vérité, toute la vérité : je ne connais pas et neconnaîtrai probablement jamais les personnes dont vous allez meparler ; d ailleurs, je suis Italien et non pas Français ; j appartiensà Dieu et non pas aux hommes, et je vais rentrer dans moncouvent, dont je ne suis sorti que pour remplir les dernièresvolontés d un mourant »Cette promesse positive parut donner à Caderousse un peud assurance. 425 « Eh bien, en ce cas, dit Caderousse, je veux, je dirai mêmeplus, je dois vous détromper sur ces amitiés que le pauvreEdmond croyait sincères et dévouées. Commençons par son père, s il vous plaît, dit l abbé.Edmond m a beaucoup parlé de ce vieillard, pour lequel il avait unprofond amour. L histoire est triste, monsieur, dit Caderousse en hochant latête ; vous en connaissez probablement les commencements. Oui, répondit l abbé, Edmond m a raconté les chosesjusqu au moment où il a été arrêté, dans un petit cabaret près deMarseille. À la Réserve ! ô mon Dieu, oui ! je vois encore la chosecomme si j y étais. N était-ce pas au repas même de ses fiançailles ? Oui, et le repas qui avait eu un gai commencement eut unetriste fin : un commissaire de police suivi de quatre fusiliers entra,et Dantès fut arrêté. Voilà où s arrête ce que je sais, monsieur, dit le prêtre ;Dantès lui-même ne savait rien autre que ce qui lui étaitabsolument personnel, car il n a jamais revu aucune des cinqpersonnes que je vous ai nommées, ni entendu parler d elles. Eh bien, Dantès une fois arrêté, M.Morrel courut prendredes informations : elles furent bien tristes.Le vieillard retournaseul dans sa maison, ploya son habit de noces en pleurant, passatoute la journée à aller et venir dans sa chambre, et le soir ne se 426 coucha point, car je demeurais au-dessous de lui et je l entendismarcher toute la nuit ; moi-même, je dois le dire, je ne dormis pasnon plus, car la douleur de ce pauvre père me faisait grand mal, etchacun de ses pas me broyait le cSur, comme s il eût réellementposé son pied sur ma poitrine.« Le lendemain, Mercédès vint à Marseille pour implorer laprotection de M.de Villefort : elle n obtint rien ; mais, du mêmecoup, elle alla rendre visite au vieillard.Quand elle le vit si morneet abattu, qu il avait passé la nuit sans se mettre au lit, qu il n avaitpas mangé depuis la veille, elle voulut l emmener pour en prendresoin, mais le vieillard ne voulut jamais y consentir.« Non, disait-il, je ne quitterai pas la maison, car c est moique mon pauvre enfant aime avant toutes choses, et, s il sort deprison, c est moi qu il accourra voir d abord.Que dirait-il si jen étais point là à l attendre ?« J écoutais tout cela du carré, car j aurais voulu queMercédès déterminât le vieillard à la suivre ; ce pas retentissanttous les jours sur ma tête ne me laissait pas un instant de repos. Mais ne montiez-vous pas vous-même près du vieillardpour le consoler ? demanda le prêtre. Ah ! monsieur ! répondit Caderousse, on ne console queceux qui veulent être consolés, et lui ne voulait pas l être :d ailleurs, je ne sais pourquoi, mais il me semblait qu il avait de larépugnance à me voir.Une nuit cependant que j entendais sessanglots, je n y pus résister et je montai ; mais quand j arrivai à laporte, il ne sanglotait plus, il priait
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