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.Il écoutait anxieusement.Ses regardsfouillaient l'ombre.Il tâchait de surprendre les moindres bruits.Plus d'une fois, il crut entendre gémir la porte, poussée par unemain prudente.Sans doute Wang espérait le trouver endormi et lefrapperait dans son sommeil !Et, alors, une sorte de réaction se faisait en lui.Il craignaitet désirait à la fois cette terrible apparition du Taï-ping. 93  L'aube blanchit les hauteurs du zénith avec la cinquièmeveille.Le jour se fit lentement.Soudain, la porte du salon s'ouvrit.Kin-Fo se redressa, ayant plus vécu dans cette dernièreseconde que pendant sa vie tout entière !&Soun était devant lui, une lettre à la main.« Très pressée ! » dit simplement Soun.Kin-Fo eut comme un pressentiment.Il saisit la lettre, quiportait le timbre de San Francisco, il en déchira l'enveloppe, il lalut rapidement, et, s'élançant hors du pavillon de Longue Vie.« Wang ! Wang ! » cria-t-il.En un instant, il arrivait à la chambre du philosophe et enouvrait brusquement la porte.Wang n'était plus là.Wang n'avait pas couché dansl'habitation, et, lorsque, aux cris de Kin-Fo, ses gens eurentfouillé tout le yamen, il fut évident que Wang avait disparu sanslaisser de traces. 94  XDANS LEQUEL CRAIG ET FRY SONTOFFICIELLEMENT PRÉSENTÉS AUNOUVEAU CLIENT DE LA « CENTENAIRE »« Oui, monsieur Bidulph, un simple coup de Bourse, uncoup à l'américaine ! » dit Kin-Fo à l'agent principal de lacompagnie d'assurances.L'honorable William J.Bidulph sourit en connaisseur.« Bien joué, en effet, car tout le monde y a été pris, dit-il. Même mon correspondant ! répondit Kin-Fo.Faussecessation de paiements, monsieur, fausse faillite, faussenouvelle ! Huit jours après, on payait à guichets ouverts.L'affaire était faite.Les actions, dépréciées de quatre-vingtspour cent, avaient été rachetées au plus bas par la CentraleBanque, et, lorsqu'on vint demander au directeur ce quedonnerait la faillite :  « Cent soixante-quinze pour cent ! »répondit-il d'un air aimable.Voilà ce que m'a écrit moncorrespondant dans cette lettre arrivée ce matin même, aumoment où, me croyant absolument ruiné& Vous alliez attenter à votre vie ? s'écria William J.Bidulph. Non, répondit Kin-Fo, au moment où j'allais êtreprobablement assassiné. 95   Assassiné ! Avec mon autorisation écrite, assassinat convenu, juré,qui vous eût coûté& Deux cent mille dollars, répondit William J.Bidulph,puisque tous les cas de mort étaient assurés.Ah ! nous vousaurions bien regretté, cher monsieur& Pour le montant de la somme ?& Et les intérêts ! »William J.Bidulph prit la main de son client et la secouacordialement, à l'américaine.« Mais je ne comprends pas&.ajouta-t-il. Vous allez comprendre », répondit Kin-Fo.Et il fit connaître la nature des engagements pris envers luipar un homme en qui il devait avoir toute confiance.Il citamême les termes de la lettre que cet homme avait en poche,lettre qui le déchargeait de toute poursuite et lui garantissaittoute impunité.Mais, chose très grave, la promesse faite seraitaccomplie, la parole donnée serait tenue, nul doute à cet égard.« Cet homme est un ami ? demanda l'agent principal. Un ami, répondit Kin-Fo. Et alors, par amitié ?& Par amitié et, qui sait ? peut-être aussi par calcul ! Je luiai fait assurer cinquante mille dollars sur ma tête. 96   Cinquante mille dollars ! s'écria William J.Bidulph.C'estdonc le sieur Wang ? Lui-même. Un philosophe ! jamais il ne consentira& »Kin-Fo allait répondre : « Ce philosophe est un ancien Taï-ping.Pendant la moitié de sa vie, il a commis plus de meurtresqu'il n'en faudrait pour ruiner la Centenaire, si tous ceux qu'il afrappés avaient été ses clients ! Depuis dix-huit ans, il a sumettre un frein à ses instincts farouches ; mais, aujourd'hui quel'occasion lui est offerte, qu'il me croit ruiné, décidé à mourir,qu'il sait, d'autre part, devoir gagner à ma mort une petitefortune, il n'hésitera pas& » Mais Kin-Fo ne dit rien de toutcela.C'eût été compromettre Wang, que William J.Bidulphn'aurait peut-être pas hésité à dénoncer au gouverneur de laprovince comme un ancien Taï-ping.Cela sauvait Kin-Fo, sansdoute, mais c'était perdre le philosophe.« Eh bien, dit alors l'agent de la compagnie d'assurances, ily a une chose très simple à faire ! Laquelle ? Il faut prévenir le sieur Wang que tout est rompu et luireprendre cette lettre compromettante qui& C'est plus aisé à dire qu'à faire, répliqua Kin-Fo.Wang adisparu depuis hier, et nul ne sait où il est allé. Hump ! » fit l'agent principal, dont cette interjectiondénotait l'état perplexe.Il regardait attentivement son client. 97  « Et maintenant, cher monsieur, vous n'avez -plus aucuneenvie de mourir ? lui demanda-t-il. Ma foi, non, répondit Kin-Fo.Le coup de la CentraleBanque Californienne a presque doublé ma fortune, et je vaistout bonnement me marier ! Mais je ne le ferai qu'après avoirretrouvé Wang, ou lorsque le délai convenu sera bel et bienexpiré. Et il expire ?& Le 25 juin de la présente année.Pendant ce laps detemps, la Centenaire court des risques considérables.C'est doncà elle de prendre ses mesures en conséquence. Et à retrouver le philosophe », répondit l'honorableWilliam J.Bidulph.L'agent se promena pendant quelques instants, les mainsderrière le dos ; puis : « Eh bien, dit-il, nous le retrouverons, cetami à tout faire, fût-il caché dans les entrailles du globe ! Mais,jusque-là, monsieur, nous vous défendrons contre toutetentative d'assassinat, comme nous vous défendions déjà contretoute tentative de suicide ! Que voulez-vous dire ? demanda Kin-Fo. Que, depuis le 30 avril dernier, jour où vous avez signévotre police d'assurance, deux de mes agents ont suivi vos pas,observé vos démarches, épié vos actions ! Je n'ai point remarqué& Oh ! ce sont des gens discrets ! Je vous demande lapermission de vous les présenter, maintenant qu'ils n'auront 98  plus à cacher leurs agissements, si ce n'est vis-à-vis du sieurWang. Volontiers, répondit Kin-Fo. Craig-Fry doivent être là, puisque vous êtes ici ! »Et William J.Bidulph de crier : « Craig-Fry ? »Craig et Fry étaient, en effet, derrière la porte du cabinetparticulier.Ils avaient « filé » le client de la Centenaire jusqu'àson entrée dans les bureaux, et ils l'attendaient à la sortie [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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