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.— Mais enfin, notre maître, lui avait dit Clairance, tandis qu’il la besognait, cette pierre dont vous dites tant de bien, n’est-elle pas d’abord destinée à faire de l’or ?Elle avait lu le livre de Flamel et l’avait interprété tout de travers.— Que si fait, ma mie, mais savez-vous d’abord ce que c’est que l’or ? D’après Platon, il s’agit de la métamorphose d’un liquide filtrant à travers les pierres, dont il serait possible de l’extraire par cuissons répétées.— À la bonne heure ! dit Clairance en se soustrayant aux tentatives de son époux.Faisons cuire ! Faisons cuire !Elle le secondait dans cette chaufferie infernale pour parvenir au grand œuvre mais, y échouant, elle le traitait d’homme à béquilles dix fois le jour et néanmoins elle s’obstinait.Elle était hagarde à force de concentration.Son âme huchait littéralement hors de son corps pour tenter de se transcender en or par le truchement de cet étrange fourneau.Clairance ne voyait dans l’alchimie que le moyen de se procurer un peu de ce doux métal qui trouble tant de têtes.Oh, elle n’en attendait pas beaucoup.Une pincée lui eût suffi.Le Mèche regardait la Clairance agrippée au tire-fond du soufflet.C’était un gigantesque appareil taillé dans la peau d’un taureau.Il luisait haut dans la pénombre du plafond fait de poutres à peine équarries, encore animé, semblait-il, du halètement de la bête courant la campagne.La Clairance avait des muscles d’homme.Le Mèche l’observait avec commisération, sous la cheminée de fer, activant le feu devant l’athanor lequel, ce matin-là, lui paraissait d’une fainéantise absolue.Clairance insultait le fourneau sans vergogne.Elle avait fini par le prendre pour une personne vivante et armée d’une mauvaise volonté évidente.Elle était à croupetons, tout en muscles, en suspension entre ciel et terre, aspirée par la force du soufflet quand celui-ci se repliait.Le Mèche admirait sous la futaine fendue les belles rondeurs de cette femme de trente ans.Il hochait la tête interminablement.— O sancta simplicitas ! s’écria-t-il à voix contenue.— Tu vois que tu sais parler latin maintenant !C’était le curé de Lincel qui arrivait.Il bavait toujours un peu en jubilant son heureuse innocence.Hochant la tête, il ajouta :— Un jour tu te feras brûler !— Oh, mais je le suis déjà !Le Mèche montrait les cicatrices sur ses bras durs.Quelquefois à la surface du feu dans l’athanor quelque bulle crevait dont la matière incandescente sautait n’importe où, et c’était à ces scories que le Mèche devait ces tavelures.— Oh mais, dit le curé, c’est pas de ces brûlures-là que je parle ! Un jour tu seras un crémât ! Tu sais un de ceux qu’on rôtit en place publique pendant que les vieilles apportent au bûcher un fagot chacune par charité !Maître Mèche fit le geste de remuer du vent.— J’ai l’oreille de l’évêque de Sisteron.Il voudrait bien faire bouillir comme moi mais son ordre l’en empêche.Il y croit lui aussi au grand œuvre !Le Mèche se mit à rire.— Nous sommes des dupes ! Nous ne nous rendons pas compte que si un jour l’or devient si facile à faire, il perdra toute sa valeur, matérielle et spirituelle.Il faudra que l’espèce humaine trouve une autre rareté pour le remplacer.Le curé faisait le tour de la pièce, cherchant quelque endroit pour déposer son fourniment.— En attendant, dit-il, toi tu seras crémé !Il était tout tintinnabulant des instruments du culte qu’il avait accrochés au ceinturon de cuir qui ceignait son bedon.Nonobstant sa vigueur, sa certitude d’être invincible grâce à sa foi robuste et ses vingt-cinq ans, il avait l’air inquiet.Il planta le saint sacrement dans le tas de cendres chaudes qu’on retirait de l’athanor chaque matin.Maître Arnaud vint le regarder sous le nez.— Tu m’as l’air bien ébouriffé de si bon matin ?— Je le suis.Il préféra poursuivre en langue d’oïl bien qu’il fut seul et complice avec le Mèche.Le premier soin du roi de France qui venait d’ajouter la Provence à son royaume après de louches transactions, ç’avait été d’interdire de s’exprimer en idiome d’oc, sous peine d’avoir la langue arrachée.— Je le suis, répéta-t-il.Je viens de Gaussan, d’administrer la prieure du couvent des dames de Sainte-Claire.C’est une d’Agoult.Elle avait cent deux ans.Elle voulait absolument me faire comprendre quelque chose.— Et alors, dit maître Arnaud alléché, qu’est-ce qu’elle t’a tant dit ?— Rien ! dit l’abbé.Et si elle m’avait dit quelque chose tu penses bien que tu n’en saurais rien ! Qu’est-ce que tu fais du secret de la confession ?— Oh, dit le Mèche, c’est pas la peine de tant te faire obstacle ! Si c’était quelque chose d’intéressant ça te brûlerait la gueule de le celer !— C’est quelque chose de plus que ce que tu supposes ! Et je te le répéterai pas puisqu’elle est morte sans l’avoir dit !— Et comment tu sais alors si c’est intéressant ou pas ?— Elle sentait que c’était la fin.Elle rageait de devoir se taire.Je voyais les larmes d’impuissance qui lui sautaient des yeux.À la fin elle a fait signe à trois nonnes qui priaient au pied de son lit.Un signe impérieux, un signe qui ne souffrait pas qu’on lui désobéît.Les sœurs ont approché un fauteuil, elles l’ont déposée dessus.Elle leur parlait par signes.Nous sommes sortis dans le déambulatoire.Elles ont fait lever la herse du cloître.On est sortis dans le parc de Gaussan.C’est un grand pré tout nu dont Adémar de Gaussan, il y a trois cents ans, a fait don au couvent que sa femme venait de créer.Avec la mare qui est au milieu.— Et alors ?— Et alors rien.Au milieu de ce pré, sur un tertre, il y a un arbre, un gros chêne qui doit bien avoir cent ans… comme la prieure.Seulement alors lui, il est pas près de mourir ! Tu dirais un jeune homme.En octobre il resplendit comme un plat d’or ! Quand il fait du vent, c’est une pluie de glands !— Et alors ?— Et alors rien.La prieure elle a fait installer son fauteuil devant l’arbre.Elle m’a fait rester debout à côté d’elle.Elle était faible.Elle s’y est reprise à trois fois.On aurait dit que son bras décharné avait le monde à soulever ! Enfin elle a réussi avec son doigt tendu à me désigner l’arbre.Il n’y avait pas de doute, autour, à la ronde, il n’y avait rien d’autre que le pré vide et l’arbre ! Elle est morte quand son doigt sans force est retombé le long du fauteuil.Le curé se tut, haletant [ Pobierz całość w formacie PDF ]

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